L’indignation marque les mouvements sociaux de cette décennie. L’indignation prend diverses significations, bien sûr celles portées par le mouvement des Indignés espagnols, mais aussi d’autres à leur suite. L’Indignation a aussi son revers, celle qui ne porte pas le nom public d’Indignation, portée par cette classe moyenne révoltée par des élites corrompues et qui s’attache, en réaction, au populisme et à toutes ces conséquences. L’enrichissement faramineux des uns, cette infime partie de l’Humanité, fait face aux révoltes bruyantes de masses visibles et créatrices à la recherche de nouvelles formes de vie, mais aussi d’autres plus silencieuses, qui émergent des périphéries des grands centres urbains, et qui cherchent à reprendre leur place dans un monde qui les a appauvris. L’humanité et celui qu’on appelle le ‘peuple’ devra faire des choix difficiles car ces formes d’indignation et de révoltes sont toutes ancrées dans l’Insécurité et l’inquiétude grandissantes des uns et des autres face à un avenir incertain.
Par ce séminaire, nous voulons donner suite aux travaux initiés depuis 2015 par le groupe Coopéra et au sein duquel les thèmes de la discrimination, de la vulnérabilité et de la subalternité ont été explorés les uns à la suite des autres. Dans le cas de la présente édition, il s’agira de poursuivre le travail et cette fois-ci de prendre de front ces trois catégories et de les replacer au coeur de ce climat politique extrêmement difficile qui est celui de notre temps, et dont les pointes de l’iceberg se présentent sous formes de révoltes tantôt bruyantes, tantôt silencieuses pour la justice, sachant que les significations de la justice sont tout à fait variables selon les groupes victimes d’injustices et selon les expériences faites de l’injustice. Le séminaire devrait permettre de replacer ces trois catégories dans leurs fines articulations en des termes à la fois conceptuels, politiques de type expériences. Comment le fait d’être discriminé, vulnérabilisé, subalternisé, influe-t-il sur l’expérience faite de la
justice et de l’injustice ? Et, comment se constituent et quelles formes sont prises par les expériences de discrimination, de vulnérabilisation et de subalternisation ? En quoi ces expériences appellent-elles à des formes inédites de résistance ? Reprendre les termes de l’idéologie néolibérale et de ses crédos, la tyrannie de la marchandisation extrême de la vie, nous permettrait de redire l’abjection et ce qui se trouve aux fondements de l’indignation montante des uns et des autres, quelles que soient ses significations. Plutôt que de la redire et d’en refaire l’analyse, nous prendrons cette dernière comme une donnée, une sorte de toile de fond, et nous proposerons de la pénétrer par les chemins de l’expérience et au prisme des trois catégories qui nous intéressent, soit la discrimination, la vulnérabilité et la subalternité.
Nous proposons ainsi, dans le cinquième et ultime séminaire de cette série de 5 l’exploration de diverses formes d’expérience que peuvent faire des sujets collectifs de la normalité et de la normalisation néolibérale, sujets discriminés, vulnérabilisés, subalternisés. Entre les Indignés anarchistes, néo-marxistes, féministes ou encore écologistes et les votants du pays « trumpiste » et du Brexit, de l’Italie du mouvement cinq étoiles, ou encore ceux de la désormais fausse démocratie brésilienne ou de la Pologne confortée par le conservatisme chrétien, une infinie possibilité de formes de subjectivation politique se dessine. Ce qui nous intéresse plus particulièrement est de pouvoir dépasser les expériences de minorisation propres à la normalisation néolibérale, ainsi que leurs conséquences les plus évidentes, celles de l’amoindrissement de la valeur attribuée des sujets et de la vie elle-même, et de tenter de comprendre la manière dont ce problème de la valeur, de soi et du collectif, trouve des réponses dans des formes de justice et aussi de résistance qui méritent une attention soutenue.
Au sein de ce séminaire, l’ethnographie, soit ce regard en creux et au plus fin, ainsi que les études de cas seront privilégiées, comme moyens de faire apparaître et penser ces expériences.