Les femmes immigrées du Maghreb en France : une classe d’inactives ? Les conditions sociales d’entrée et de maintien sur le marché du travail français

Les femmes immigrées du Maghreb en France : une classe d’inactives ? Les conditions sociales d’entrée et de maintien sur le marché du travail français

Intervenante : Sofia Aouani

 

L’extension du domaine de recherche sur le travail féminin au cas des immigrées a permis de mettre en évidence la part non négligeable et ancienne de femmes en migration et en emploi. Depuis, plusieurs recherches menées en histoire et en sociologie ont permis de révéler les amnésies, de quantifier et de qualifier la participation féminine immigrée au marché du travail. Cependant, toutes les nationalités d’origine ne sont pas concernées par cette réévaluation historiographique. L’homogénéisation du groupe féminin immigré à laquelle elle procède empêche de saisir que pour certaines l’insertion professionnelle est plus compliquée. Les rapports à l’emploi varient ainsi fortement suivant l’origine migratoire, au point que certaines immigrées, au premier rang desquelles celles originaires du Maghreb, seraient structurellement et durablement éloignées de l’emploi et assignées à la sphère familiale et conjugale.

 

Lorsqu’il est établi, le constat d’une moindre activité féminine maghrébine reste lettre morte : on n’en sait généralement pas plus sur les conditions sociales d’entrée (ou non) et de maintien (ou non) en emploi. Dès lors, les femmes immigrées du Maghreb sont placées dans une forme d’apesanteur sociale au sens où leur inscription sociale est réduite au motif majoritaire de leur installation en France, à savoir le regroupement familial. Classes d’inactives à vie, travailleuses introuvables, elles ne sont approchées et approchables que par l’intermédiaire des autres membres de leur famille qu’il s’agisse de leur conjoint ou de leurs enfants. Les chiffres, généralement appuyés sur des données produites par la statistique publique, sont donc importants dans l’énonciation d’une spécificité maghrébine féminine qui alimente les représentations publiques et politiques.

 

Dans le cadre du chapitre présenté, je procéderai en quatre temps. D’abord, à partir de l’enquête Trajectoires et Origines (TeO, Insee/Ined, 2008), je rappellerai quelques traits caractéristiques de l’emploi féminin immigré maghrébin. Ce point vise à comparer l’activité de groupes définis selon le sexe (hommes/femmes), le rapport à la migration (immigré·es/non-immigré·es) et l’origine migratoire (nationalité à la naissance). Une fois rappelée la spécificité de l’emploi des immigrées maghrébines du point de vue des catégories administratives, il s’agira de mettre au centre de l’analyse les trajectoires d’activité. Menée à partir d’un appariement des données longitudinales de l’enquête TeO et de celles de l’enquête ethnographique, l’analyse montrera que la dimension structurante des trajectoires immigrées maghrébines est d’être heurtée. En raison de leur origine sociale et de leur période d’installation en France, elles ont plus de chances d’alterner plusieurs situations d’activité. Dans une troisième partie, je privilégierai l’étude des transitions vers l’emploi plutôt que la situation d’occupation statique pour identifier ce qui détermine le passage vers l’emploi. Finalement, la dernière partie permettra de rétablir la dimension collective de l’emploi, sous-estimée par la construction des données à l’échelle individuelle. À partir d’une réflexion sur les arrangements conjugaux, elle montrera que les relations intimes contraignent et appuient l’entrée et le maintien des femmes dans l’emploi.

 



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