Cette thèse s’intéresse à la soft law européenne et ses usages par les groupes d’intérêt. Parmi la diversité et la multiplicité des acteurs qui interviennent dans les processus de l’action publique, les groupes d’intérêt sont centraux et cherchent à influencer la prise de décision. Le Registre de transparence de l’Union européenne (UE) en recense plus de 13 000.
Du fait des dynamiques d'européanisation, les groupes d’intérêt évoluent ainsi au sein d’arènes multiples, bénéficiant de différents lieux et points d’accès. L'arène juridique constitue un des points d’entrée pour les groupes d’intérêt afin de faire valoir leurs préférences et infléchir la prise de décision, la conduite de l’action publique étant indissociable de la dimension juridique qui la compose. Dans ce contexte, on voit se développer depuis les années 1990 des normes plus flexibles, offrant des possibilités d’adaptation plus larges, qui viennent relativiser les instruments juridiques traditionnels. Parmi ces instruments, on observe au niveau de l'UE une prolifération des normes dites de soft law, comprises comme une catégorie de normes non-contraignantes pouvant néanmoins avoir des effets juridiques et pratiques. Dans une relation d'influence mutuelle, les instruments déterminent en partie les comportements des groupes d'intérêt, et ces derniers peuvent eux-mêmes faire un usage stratégique de ces instruments au niveau national Notre réflexion s’articule donc autour du questionnement suivant : Comment la soft law européenne impacte-t-elle les stratégies des groupes d’intérêt à l’échelle nationale ? En font-ils des usages spécifiques dans la conduite de l’action publique, comment et sous quelles conditions
Cette recherche s’inscrit dans une perspective comparée à plusieurs égards. D’abord, l’étude est conduite dans deux pays dont les systèmes politiques diffèrent : l’Allemagne, qui est un Etat fédéral, et la France, qui est un Etat unitaire. On peut en effet s’attendre à ce que des structures politiques nationales différentes produisent des usages différenciés de la soft law, compte tenu des modes de prise de décision qui en découlent. En second lieu, la comparaison s’effectue entre deux secteurs politiques : la régulation financière et l’agriculture durable. Nous nous intéresserons ici aux dynamiques propres à chaque secteur, en prenant en compte plus spécifiquement le caractère intergouvernemental ou supranational de la prise de décision, de même que la configuration des intérêts – concentrés ou diffus
Ce travail s’inscrit dans une démarche de recherche qualitative. Il s’appuiera d’abord sur l’analyse des mécanismes causaux des usages dans des études de cas (process-tracing) (Beach et Pedersen, 2019). Les mécanismes identifiés seront ensuite comparés de façon systématique dans une logique configurationnelle (Qualitative Comparative Analysis) (Rihoux et Ragin, 2009).