Après quelques vagabondages du côté des sciences économiques et de gestion à Annecy puis à GEM, j'ai été apprenti journaliste à Sciences-Po Grenoble. Bifurquant derechef, je me suis lancé, encouragé et accompagné par Gilles Bastin, dans un mémoire de recherche sur la médiatisation des techniques financières depuis 2001. Ce travail a débouché sur la rédaction d'un projet de thèse qui a finalement pris la forme d'une enquête sur l'engagement des journalistes dans le monde de l'information financière en France, sous la direction de Gilles Bastin et Pascale Trompette. Personnages déconsidérés dans l'histoire du journalisme, jugés responsables de l'adoption de pratiques vénales dans la presse française du début du XXe, les "journalistes financiers" participent aujourd'hui à la plus grande familiarité des marchés financiers pour le plus grand nombre. On peut penser pour s'en convaincre à la litanie des cours de bourse, devenue rituelle dans les flashs d'information radiophonique. Alors que les rapports entre journalisme et marché sont généralement décrits sous l'angle de deux logiques profondément antagonistes, qu'est-ce que l'analyse sociologique des journalistes financiers peut nous révéler des affinités entre l'évolution du journalisme contemporain et le processus de financiarisation de la société ? Le pan majeur de cette enquête consiste à étudier les carrières des journalistes qui exercent ou ont exercé dans la presse financière technique et professionnelle, la presse financière grand public ou les rubriques spécialisées de la presse d'information économique et généraliste. Il articule l'analyse statistique de séquences de 420 carrières professionnelles d'une part et l'analyse des récits biographiques de 38 individus d'autre part. L'objectif de ces analyses est de comprendre ce qui attire les journalistes dans le monde de l'information financière, et les conditions qui leur permettent d'y stabiliser une authenticité de journaliste. Quelques archives d'associations professionnelles et des manuels de formation au journalisme économique et financier complètent ce matériau pour décrire les affinités normatives entre la valeur professionnelle d'objectivité des journalistes et le principe de transparence informationnelle qui organise les interactions entre les acteurs des marchés financiers.