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Une socialisation accélérée de l'État à la data ? L'épreuve du Covid et de la remontée des données de suivi épidémiologique

Séminaires et ateliers / Santé numérique, données de santé

On March 28, 2025

Sciences Po Grenoble - UGA - salle Pacte

Photo de Polina Tankilevitch: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/citron-sante-medical-medicament-3873177/

Avec Marine Boisson (Chaire Santé, Sciences Po Paris)

Cinq ans après la pandémie de Covid-19, nombreux sont les discours qui interrogent le fait que l’État aurait dû être mieux préparé à la gestion de cette crise sanitaire. Un aspect de la gestion de cette crise reste néanmoins peu interrogé : la capacité de l’État à mobiliser des ressources numériques pour collecter rapidement le nombre de cas, de contamination et de décès, et anticiper leur progression sur le territoire national. Cet aspect soulève une question : l’État était-il socialisé à la data en santé pour parvenir à le faire ?

Tout le laisse penser, si l’on repart du fait que peu avant la crise, la Délégation du numérique et l’Agence du numérique en santé (2019) avaient été créées pour porter la feuille de route sur le numérique dans ce domaine (2019-2022). De même, le projet d’un Health Data Hub (2019), le dossier médical partagé (2016) ainsi que l’incitation à la numérisation des données de santé dans les MSP et CPTS avaient été lancés. Ces innovations semblaient alors indiquer une forte pénétration du numérique en santé dans l’État, en tant que politique publique de réforme du système de soins. Pourtant, ce n’est qu’à l’issue de la pandémie que le rapport Bothorel (Pour une politique publique de la donnée publié en 2020) a souligné « l’éveil de la nation à la data ». L’État s’incluait-il dans cette affirmation ? Et quels effets cet « éveil de la nation à la donnée sanitaire » a-t-il pu avoir ?

Cette communication revient sur les résultats d’une recherche concernant la production des données liées à l’épidémie de Covid-19 en France, dans l’administration (Boisson, Denis, 2024). L’étude a été réalisée en 2023 à partir d’entretiens semi-directifs, menés auprès des administrateurs impliqués dans le travail de conception, de collecte et de traitement de ces données (DRESS, SPF, ministère de la Santé, ARS). En suivant le « travail de la donnée », la communication revient d’abord sur le fait qu’il a été la source de différentes épreuves au sein de l’administration, sous la pression des attentes internationales et nationales qui se sont exprimées afin d’accéder aux données de la pandémie quotidiennement. Nous revenons ensuite sur les débats professionnels que ces épreuves ont entraînées : des dilemmes sur la manière de produire des data rapidement et de les utiliser au sein d’administrations plutôt familières de la production de statistiques publiques. Il s’agissait, en dépit de la crise, de statuer sur la manière de produire de l’information chiffrée depuis des normes de professionnalisme déjà existantes au sein de l’État. Nous revenons enfin sur les effets qu’a entraînés la diffusion immédiate de ces données auprès des médias et du public.

Elle a notamment généré de nouveaux conflits sur la façon de rendre accessibles ces données, de justifier leurs erreurs et d’en rendre compte dans la mise en œuvre d’une politique d’open data. In fine, on verra que l’État s’est confronté aux implications politiques de ce travail de la donnée, posant la question de ce que doivent être les démocraties sanitaires sur le plan numérique : entre la diffusion de données fragiles, leviers rapides à la politisation des évènements et à la prise de décision, et la production de connaissances moins agiles et susceptibles de ralentir les débats, mais à même de mieux les documenter.

Dans le réglage de cette tension, ce sont en fait différentes méthodes de travail et de production de l’information sur la santé qui sont susceptibles de s’affronter dans l’État. 

Date

On March 28, 2025
Complément date

14h-16h

Localisation

Sciences Po Grenoble - UGA - salle Pacte

Submitted on December 17, 2024

Updated on March 24, 2025