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Soutenance thèse / Régulations
Le 25 juin 2025

L'économie informelle en prison : étude sur les nouveaux rapports de force intra-pénitentiaires qui interviennent au cours de trafics illégaux dans une maison d'arrêt française.
Depuis quelques années, le système pénitentiaire français connaît plusieurs évolutions marquées par une augmentation de la population carcérale, une diversification des motifs d’incarcération, et des difficultés croissantes liées aux conditions de détention. Parallèlement, les établissements pénitentiaires sont souvent vétustes et surchargés, tandis que l'Administration Pénitentiaire, faute de moyens suffisants, peine à rénover les infrastructures. Dans ce contexte, les surveillants se divisent entre ceux qui sont absents et ceux qui subissent l'absentéisme de leurs collègues, rendant la gestion des prisons encore plus complexe. Malgré ces conditions difficiles, les établissements pénitentiaires n'explosent pas. Il n’y a pas d’émeutes, ni de mouvements collectifs de protestation comme des grèves de la faim ou des suicides en masse. Cette stabilité apparente interroge : qu’est-ce qui maintient le calme relatif dans les prisons malgré ces nouvelles évolutions ?
Le maintien de l’ordre dans les prisons françaises semble reposer sur des facteurs plus subtils que l’usage de la force, bien que cette dernière soit fréquemment utilisée. L’usage de la violence, souvent perçu comme un moyen répressif, peut exacerber les tensions et ne constitue pas la méthode principale de gestion de l'ordre carcéral. En réalité, la relation entre les surveillants et les détenus est moins hiérarchique et plus ambigüe que l’on pourrait imaginer. Les détenus et les surveillants développent souvent des relations plus empathiques et humaines, qui contribuent à apaiser la violence et à maintenir un certain équilibre au sein des établissements. Ces relations, plus nuancées et moins conflictuelles, contribuent à limiter les tensions et à maintenir un relatif calme, même dans un contexte difficile.
Un autre facteur clé de cette stabilité en prison est le commerce informel. La pandémie de Covid-19, en perturbant l'ensemble des canaux d'approvisionnement illégaux en biens interdits, (tels que les téléphones portables, les cigarettes, la drogue ou d’autres objets interdits) a révélé l'importance de ce commerce dans la gestion de l'ordre carcéral. Les détenus, qui comptaient sur ces échanges pour améliorer leur qualité de vie en prison, ont réagi avec des blocages, des agressions envers les surveillants, et des tentatives de mutineries. Cependant, dès que les restrictions ont été levées et que les échanges informels ont repris, les tensions ont rapidement diminué. Cela a permis de souligner le rôle apaisant du commerce en détention.
Le commerce informel a deux effets majeurs sur l’ordre carcéral. D'une part, il crée une forme d’interdépendance entre surveillants et détenus. Les surveillants, en accédant à ces biens, entretiennent des relations commerciales avec les détenus, ce qui génère une certaine cohésion et réduit les conflits directs. D'autre part, ces biens permettent aux détenus de subvenir à des besoins fondamentaux non satisfaits par l’Administration Pénitentiaire, améliorant ainsi leur qualité de vie. Par exemple, un détenu peut se sentir moins isolé grâce à un téléphone portable ou se détourner des difficultés liées au sevrage forcé avec des drogues ou des cigarettes de contrebande. Ces biens permettent de supporter des conditions de détention de plus en plus difficiles, rendant la vie en prison plus tolérable.
Ainsi, l’étude des prisons entre 2019 et 2024 met en évidence deux facteurs principaux pour expliquer le calme relatif dans les établissements pénitentiaires français : la nature des relations entre surveillants et détenus, qui va au-delà de la simple domination, et le commerce informel, qui contribue à maintenir un équilibre fragile et apaisé au sein de la détention.
Composition du jury
François Bonnet · Directeur de recherche, CNRS - Délégation Alpes
Gregory Salle · Directeur de recherche, CNRS - Délégation Hauts de France
Gabriel Feltran · Directeur de recherche, CNRS - Délégation paris centre
Corinne Rostaing · Professeure des universités, Université lumière Lyon 2
Fatima El Magrouti · Docteure en sciences, Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse
Jean Charles Froment, Professeur des universités, Sciences po Grenoble
Thèse dirigée par François Bonnet.
Date
12h30
Contact
solenn_3 [at] hotmail.fr
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