Le paradoxe du pouvoir et de la visibilité : quels groupes sociaux les gouvernements choisissent-ils d'identifier lorsqu'ils sondent l'opinion publique ?

Au travers de cette recherche, nous interrogeons le rôle constitutif des sondages gouvernementaux dans la construction de la visibilité politique des groupes sociaux, à partir du cas allemand. Quels groupes les gouvernements choisissent-ils d'identifier lorsqu'ils sondent l'opinion publique, et qu'est-ce que cela révèle sur les mécanismes de représentation ? Nous avançons que nommer explicitement un groupe dans une enquête gouvernementale constitue un acte de reconnaissance politique, tandis que son omission produit de l'invisibilité, et nous identifions une logique de "statut non marqué" (unmarked status) privilégiant les extrêmes sociaux. Notre argument théorique propose que les sondages gouvernementaux représentent le chaînon manquant entre promesses de campagne inclusives et politiques publiques inégalitaires : ils filtrent et hiérarchisent les groupes bénéficiaires entre les phases d'input et d'output du cycle politique. Cette approche renouvelle l'analyse de la représentation en déplaçant l'attention vers les pratiques apparemment techniques qui structurent en amont les catégories du débat démocratique.

Tinette Schnatterer est chargée de recherches CNRS au Centre Émile Durkheim, Sciences Po Bordeaux. 

Rémi Passerotti est doctorant en science politique à Pacte, équipe Gouvernance