Le rapport ordinaire des habitant·es de quartiers populaires à l’action collective : un processus de désengagement ?

"Pourquoi les banlieues ne se mobilisent-elles pas ?" Cette question revient de manière récurrente dans les médias à chaque mouvement social (gilets jaunes, mouvement des retraites, etc.). Tout se passe comme si, en dehors des épisodes fortement médiatisés que constituent les « émeutes urbaines », les banlieues populaires constituaient des « déserts politiques ». Certes, les habitant·es de quartiers populaires participent moins aux formes les plus institués du politique (vote, syndicalisme, politique partisane). Toutefois, des travaux récents de sociologie politique ont montré l’existence de formes moins conventionnelles de participation au sein de ces espaces. L’engagement (ou le non-engagement) sous ses différentes formes constitue ici une question de recherche interrogeant le rapport ordinaire des quartiers populaires à l’action collective. A partir de l’étude de la réception du mouvement des gilets jaunes (dans le cadre du WP 9 de l’ANR Gilets jaunes), nous montrons comment les habitant·es de quartiers populaires perçoivent les mouvements sociaux en général et leur propre rôle dans ces derniers. L’analyse des données produites, combinant focus groups et entretiens individuels, met en lumière un processus, variable, de désengagement. Ce dernier ne saurait être perçu comme un désintérêt pour le politique, mais consécutif d’un fort sentiment de résignation, collectivement partagé. Dès lors, aux répertoires classiques de l’action collective sont préférés des formes d’engagement affranchies de toute médiation traditionnelle, voire à des formes d’exit.

Christophe Parnet est docteur en science politique et post-doctorant à Pacte sur l’ANR Gilets Jaunes.