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[Reporté] Construire l'interopérabilité des systèmes d’information entre acteurs publics et privés : le cas du Dossier Médical Partagé

Séminaires et ateliers / Santé numérique, données de santé

Le 23 mai 2025

Sciences Po Grenoble - UGA - salle Pacte

Photo de Anete Lusina: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-choisissant-le-document-dans-le-dossier-4792285/

Avec Renaud Gay (Université Lyon 2, Triangle) et Marielle Poussou-Plesse (Université de Bourgogne, LIR3S)

Cette séance est reportée à l'automne 2025.

Propriété infrastructurante du « tournant numérique en santé », aussi omniprésente que polysémique et toujours-devant ce tournant, l’interopérabilité représente pour la recherche en SHS un continent à investir. Définie de manière générique comme la capacité à faire opérer ensemble des entités techniques hétérogènes, l’interopérabilité est un enjeu transversal investi dans le cadre d’arènes internationales et nationales par des acteurs ayant des intérêts économiques, politiques et professionnels à peser sur la (non)normalisation des interfaces. A ce titre, et face à de véritables domaines d’expertise, elle met l’analyste en SHS au défi de se demander : interopérabilité de quoi avec quoi ? Pour quoi ? Comment ? Avec quels effets d’ouverture et de clôture ? Au croisement des évolutions techniques, institutionnelles et idéologiques de l’informatisation des sociétés, elle l’enjoint par ailleurs face à des protagonistes évangélisateurs d’une énième ultime révolution de l’interopérabilité, à rappeler et instruire le fait que l'interopérabilité est un phénomène fondamentalement historique (Ribes, 2017). 

La communication porte sur un cas d’étude permettant autant (we hope) de sensibiliser à ces enjeux disciplinaires que d’adresser ceux plus circonscrits du séminaire. Elle repose sur une recherche portant sur le dernier épisode de la trajectoire du Dossier Médical Partagé (DMP), soutenue par la Mire-Drees (2022-2024). Présenté comme le « vaisseau amiral » de la politique française du numérique en santé depuis 2004 et tout aussi régulièrement menacé depuis par le syndrome du Titanic, le DMP fait l’objet d’une troisième grande « relance » depuis 2019. L’originalité de cette troisième relance est d’avoir remotivé le sens dormant du SI DMP dans le cadre d’une démarche d’urbanisation d’ensemble des SI en santé, soutenue par un volontarisme politique et des moyens financiers inédits : le SI DMP a en effet vocation à alimenter à différentes échéances trois « plateformes d’État » inédites : un Espace numérique de santé (Mon Espace Santé) dans lequel il se présente comme le carnet de santé dématérialisé de l’assuré social et interfacé à d’autres services numériques (applications, messagerie citoyenne sécurisée, agenda); un Bouquet de services aux professionnels de santé par lequel les Dmp patients peuvent être alimentés et consultés; le Health data hub censé catalyser à terme les flux de données circulant au sein de l’architecture à des fins d’usages secondaires (recherche, innovation).

L’étude approfondie de cet épisode en cours, déclinée en 4 volets (littérature grise N= 82 ; entretiens N= 80 ; 6 journées d’observation de manifestations ; 40 webinaires), permet d’avancer une hypothèse générale sur l’histoire réputée complexe, difficile à expliquer et à prédire : l’interopérabilité y est une propriété particulièrement difficile voire impossible à réguler par la puissance publique, en raison des intérêts et d’une capacité d’ « innovation » d’acteurs privés, avec lesquels elle doit composer.

La communication commencera par présenter en même temps que l’échafaudage représenté par le DMP plateformisé et la mouvante gouvernance du numérique en santé qui y est associée, les difficultés épistémologiques à combiner une approche en STS et une approche relevant de l’analyse des politiques publiques, articulation que ce type de cas d’étude exige pourtant.

Elle présentera ensuite de manière centrale les deux/trois grands moments par lesquels est successivement passée l’interopérabilité en tant qu’affaire d’un État qui promeut le DMP comme un instrument phare de la réforme du système de santé : délégation exclusive aux opérateurs privés jusqu’en 2009 ; promotion d’un Cadre d’interopérabilité des Systèmes d’information en santé (CI-SIS) comme cadre régulateur discret à partir de 2009 jusqu’à ce que la relance de 2019 lui donne le statut plus impérieux de référentiel régalien ; double mise à l’épreuve de cette volonté régulatrice de l’interopérabilité par d’une part, la prégnance d’un nouveau standard d’interopérabilité (Fhir) emportant une forme d’anomie autour du phénomène qualifié par les experts de « profiliferation » et d’autre part, les troubles dans les rapports de coopétition entretenus jusque-là avec Doctolib.

La communication conclura sur les enjeux renouvelés d’analyse de ce que veut dire la régulation dans ce type de cas d’étude. 

La séance s’appuiera sur un premier texte publié et disponible sur demande à l’autrice : marielle.poussouatu-bourgogne.fr (marielle[dot]poussou[at]u-bourgogne[dot]fr)

« D’un mythe de l’informatique médicale à la doctolibisation de la santé : les tribulations de l’interopérabilité du Dossier médical partagé français », in B. Bogaert et J.-P. Pierron (dir.) De l’IA à l’intelligence clinique. Ce que le numérique fait au soin, Le Bord de l’eau, 2024, 179-200.

Date

Le 23 mai 2025
Complément date

14h-16h

Localisation

Sciences Po Grenoble - UGA - salle Pacte

Publié le 17 décembre 2024

Mis à jour le 22 mai 2025