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Sarah Bachellerie soutient sa thèse

Soutenance thèse / Justice sociale

Le 11 décembre 2024

Institut d'Urbanisme et de Géographie Alpine - Salle des actes

plage

La frontière in/visible. Contrôle migratoire et rapports de visibilité dans les espaces touristiques alpins à la frontière franco-italienne, du XIXe siècle à nos jours.

Cette thèse explore, au moyen d’une approche géo-historique, la mise en place d’un contrôle policier et militaire des populations et de leurs déplacements dans les territoires touristiques alpins à la frontière entre l’Italie et la France (Hautes-Alpes/Val de Suse/Savoie, Alpes-Maritimes/Ligurie). J’analyse que les deux processus simultanés de mise en tourisme et de militarisation de l’espace entrent en contradiction, produisant des tensions qui sont résolues par la mise en œuvre d’un contrôle différencié des populations qui traversent et vivent dans ces espaces frontaliers. La hiérarchisation des populations entre celles que l’on cherche à attirer sur le territoire et celles que l’on cherche à expulser (re)produit des rapports de domination de classe, de « race », de nationalité et de genre dans les espaces alpins : les touristes profitent des aménités d’un paysage construit comme « naturel », tandis que les populations indésirables sont exposées à la violence de l’espace alpin. La création d’un ordre social-racial à la frontière repose sur un ordre du visible, que j’analyse au prisme de la production de seuils de visibilité dans l’espace alpin. J’envisage ainsi que l’espace touristique frontalier est caractérisé par des rapports de domination visuelle, qui désignent l’inégale capacité des groupes sociaux à maîtriser ce qu’ils voient, la manière dont ils sont vus, et la manière dont sont vus les autres dans l’espace.

La domination visuelle caractérise d’abord les rapports entre l’État et les populations ciblées par les politiques migratoires : le pouvoir policier mobilise des stratégies visuelles pour exercer un contrôle ciblé et mobile qui s’appuie sur la topographie montagneuse pour mettre en œuvre un rapport de traque des populations illégalisées à travers le massif alpin. D’autre part, elle caractérise par les rapports spatiaux entre les différents groupes sociaux qui fréquentent les espaces touristiques frontaliers : les inégalités socio-spatiales (re)produites par la situation de frontière accentuent la maîtrise visuelle des groupes favorisés, notamment des touristes, au détriment des habitant·e·s minorisé·e·s et des personnes en migration qui font l’objet d’une in/visibilisation sélective et son dépossédé·e·s de leur maîtrise visuelle et spatiale. Dès lors, les personnes en migration illégalisées sont prises dans des stratégies complexes, mobilisant tantôt l’invisibilité, tantôt la visibilité, pour exercer leur liberté de circulation et revendiquer leur droit à être là dans l’espace alpin.

Enfin, l’espace alpin est caractérisé par une lutte des traces opposant des tentatives d’effacement de toute trace de la présence des personnes en migration construites comme indésirables et de la violence exercée à la frontière, ou au contraire, à des luttes contre ces effacements. En remettant l’environnement alpin, ses paysages, sa topographie, son hydrologie, son climat et sa végétation au cœur de l’analyse de la production de rapports de domination à la frontière, cette thèse contribue au champ émergent d’une écologie politique des frontières, nourrie par les approches critiques des frontières et du tourisme et de l’écologie décoloniale. 

Mots-clés : Frontière franco-italienne – frontiérisation – Alpes – tourisme – violence – rapports de domination – police – migrations – rapports de visibilité

Bénédicte Michallon · Directrice de recherche, CNRS, Délégation Aquitaine
Emmanuel Blanchard · Professeur des Universités, Université de Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines
Kirsten Koop · Maîtresse de conférence, Université Grenoble-Alpes
Martina Tazzioli · Assistant Professor, Università di Bologna
Anne-Laure Amilhat Szary · Professeure des Universités, Université Grenoble-Alpes 
Philippe Rygiel · Professeur des Universités, ENS de Lyon 

Thèse co-dirigée par Anne-Laure Amilhat Szary et Philippe Rygiel.

Date

Le 11 décembre 2024
Complément date

14h

Localisation

Institut d'Urbanisme et de Géographie Alpine - Salle des actes

Publié le 14 novembre 2024

Mis à jour le 14 novembre 2024