Marie-Laure Guilland

Chercheuse associée
Portrait de guillan2
Affiliation : 
Université Grenoble Alpes
Statut : 
Chercheuse associée
Non permanent.e
Domaines de recherche : 
Amérique latine
anthropologie sociale
Équipe de recherche : 

Onglet(s)

Présentation

Docteure en anthropologie et sociologie, j'ai réalisé ma thèse au Centre de Recherche et de Documentation des Amériques - CREDA de l’Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle.  Soutenue en décembre 2017, ma thèse aborde le patrimoine comme un nouvel enjeu de reconnaissance pour les peuples autochtones. A partir d’une étude ethnographique menée en Colombie elle montre comment les revendications autochtones actuelles vis-à-vis d’objets préhispaniques poussent les régimes de patrimonialité à évoluer. (Résumé plus détaillé ci-dessous)

Parallèlement à mon travail doctoral, je me suis intéressée aux dynamiques sociales induites par le développement du tourisme en Amérique latine. Au sein d’un groupe de travail nous avons mené et proposé des projets de recherche concernant les « Intermédiaires touristiques de la mondialisation en Amérique centrale » et les « Nouvelles Frontières du Tourisme en Amérique Centrale : Touristification, Intégration, Conflits »

Mes travaux ont également abordé le conflit colombien au travers des enjeux liés à l’usage de ressources naturelles et culturelles et de l’imaginaire du risque. Mes réflexions sur ce conflit m’ont conduite à coordonner deux numéros de revue thématiques. Le premier autour des conflits que la société colombienne connait et qui sont à la fois facteurs et symptômes de la persistance de l’état de guerre dans le pays (Colombia, tierra de pelea : Le(s) conflit(s) au cœur de la société. Les Cahiers des Amériques latines, n°71-2012/3. (avec N.Mazars)) ; le deuxième autour « des défis du tourisme face à la construction de la paix en Colombie », coordonné avec Patrick Naef, (Vi@ Tourism  Review, n°15, 2019)

Mes recherches sur cette thématique se poursuivent aujourd’hui avec une étude sur les enjeux de paix en Colombie au sein du Projet « DEFIPaix, Construire une culture de la paix en Colombie : perspectives discursives et actions éducatives » (projet retenu au programme : Evaluation-orientation de la COopération Scientifique ECOS-nord 2021 )   

Parallèlement, j’aspire à développer un nouvel axe de recherche centré sur la circulation et l’hybridation de pratiques de soin et de médecines alternatives (notamment néo-chamaniques).

Titre de la thèse : 
Patrimonialisation de vestiges préhispaniques et reconnaissance des peuples autochtones. Etude de trois affaires colombiennes.
Résumé de la thèse : 

Résumé, méthodologie, résultats et apports du travail de thèse 

 Cette thèse permet de démontrer comment le patrimoine préhispanique devient un enjeu de reconnaissance pour les peuples autochtones de Colombie vingt ans après l’élaboration d’une constitution multiculturelle et néolibérale. Inspirée des travaux de L. Boltanski et d’E. Claverie, l’étude de trois affaires permet de saisir comment de nouvelles revendications ethniques transforment un dispositif patrimonial qui semblait immuable depuis plus d’un demi-siècle.

 L’analyse s’appuie sur un travail de terrain multisitué (Marcus, 1995). Durant plusieurs années je me suis rendue en Colombie pour suivre à plusieurs niveaux des conflits liés à des questions patrimoniales. J’ai effectué de multiples entretiens auprès des communautés de trois localités où j’ai également mené de longues et nombreuses observations (deux ans cumulés). Au niveau national les agents de l’Etats ont été interrogés ainsi que les entreprises privées impliquées dans les dynamiques patrimoniales étudiées. Enfin une étude globale a consisté à déceler les manières dont les institutions internationales interféraient dans les enjeux locaux. Il s’est agi d’explorer les paysages (Appadurai, 2001) patrimoniaux et autochtones du « système monde » en les reliant à trois sites où des parcs archéologiques nationaux se situant au sein ou en bordure de territoires autochtones (Teyuna Ciudad Perdida, San Agustín et Tierradentro).

En retraçant la biographie sociale et culturelle des vestiges (Appadurai et Kopytoff, 1986), ce travail explique comment le dispositif patrimonial, mis en place au début du vingtième siècle, est à l’origine d'une valorisation rhétorique et esthétique des racines préhispaniques du pays, mais en aucun cas d'une reconnaissance des peuples autochtones contemporains. Ecartés de l’histoire et de la gestion patrimoniale des parcs, les leaders autochtones entendent, à la fin des années 2000, transformer les régimes de vérité et de patrimonialité qu’ils jugent injustes. L’enjeu est de légitimer leur appropriation des sites afin de justifier leurs demandes de reconnaissance identitaire et territoriale. Le droit autochtone, les principes de l’UNESCO sur la diversité culturelle et le patrimoine immatériel, la pensée décoloniale et les craintes suscitées par le tourisme, sont autant de supports mobilisés pour justifier leurs attentes. Lors des affaires, différents systèmes de légitimité s'affrontent au cours d’épreuves de justice (Boltanski, Thevenot, 1991) et de force.

 L’analyse de ces processus a abouti à plusieurs résultats qui déterminent les apports de cette recherche dans le champ des études sur le patrimoine et celui des questions autochtones. 1) Les affaires renforcent les frontières ethniques par un effet d’altérisation patrimoniale 2) elles contribuent à l’immatérialisation du patrimoine 3) Prises dans le marché de la différence du tourisme, les communautés autochtones risquent une auto-réification de leur identité. 4) L’analyse de l’ouverture démocratique de la patrimonialisation permet de dépasser une approche culturaliste du lien qui unit le patrimoine aux revendications autochtones pour une analyse en termes d’intégration politique. 5) A l’issue des affaires, les leaders autochtones, passent du statut d’ennemi à celui d’adversaire (Mouffe, 2010) 6) La reconnaissance au concret des leaders autochtones est statutaire puisque leur participation aux négociations patrimoniales se fait de plus en plus en tant que partenaire. 7) In fine les affaires transforment le régime de patrimonialité (voir le tableau ci-dessous)

Tendance de l’évolution du régime de patrimonialité des vestiges préhispaniques

 

Régime de patrimonialité initial

Nouveau régime de patrimonialité

National

Communautaire

Logique top-down, centralisatrice

Logique bottom-up, participative

Patrimoine froid

Patrimoine chaud

Matérialité

Immatérialité et relationalité

Mémoire des objets

Mémoire des pratiques

Intellect

Affect

Savoirs académiques

Savoirs profanes et savoirs autochtones

Approche catastrophiste des civilisations passées

Continuité historique avec les civilisations du présent

Monument national

Bien culturel

Droit des objets

Droit des personnes sur les objets

Altérisation patrimoniale vers le passé

Altérisation patrimoniale dans le présent

Reconnaissance des communautés du passé

Reconnaissance des communautés du présent