Périnatalité et handicap. Le "choix" des femmes

Avec le développement du diagnostic prénatal, le champ de la périnatalité s’est imposé comme une arène centrale du traitement social du handicap, régulée, en apparence du moins, par le « choix » des femmes. En effets, les régulations et standardisations des pratiques qui ont accompagné l’entrée dans la « modernité thérapeutique », ont favorisé un transfert de responsabilité du domaine de la santé publique à la sphère privée et à l’intimité des femmes et des couples. Ces derniers doivent désormais « choisir », après avoir été informés par les praticiens, d’investiguer ou non l’état de santé du fœtus et, le cas échéant, d’interrompre la grossesse. Ma présentation s’appuiera sur l’analyse des réponses à un questionnaire, renseigné en ligne par 1726 femmes volontaires, ayant eu une grossesse au cours des cinq dernières années, qu’elle qu’en soit l’issue. Cette première collecte de données a été complétée de 65 entretiens. L’enquête visait une description fine du parcours de grossesse, ses éventuelles bifurcations, les informations reçues et cherchées, les choix accomplis, les expériences émotionnelles associées… Je m’intéresserai plus particulièrement à deux groupes de femmes : celles qui ont refusé le test de dépistage de la trisomie 21 (n=217) et celles qui ont choisi d’interrompre leur grossesse en raison d’une anomalie fœtale (n=144). Dans une perspective interactionniste et pragmatique, j’analyserai la manière dont les femmes qualifient les situations qu’elles traversent, les émotions qu’elles expriment, les jugements de valeurs qu’elles forment et qui soutiennent et font sens à leurs décisions. Nous verrons de quelle manière la question du handicap, invisibilisée dans les pratiques de suivi des grossesses, surgit dans l’expérience des femmes, réactivant de manière radicale une tension qui traverse le traitement social du handicap entre protection d’un côté et exclusion/émancipation, de l’autre.

Dans le cadre du séminaire Trajectoires de Santé.